lyrics
NOCTAMBULES
(POÊME DE JEAN RICHEPIN / MUSIQUE : MORVAN PRAT)
par les quais, les places, les rues
après minuit, avant le jour,
lorsque les foules disparues
dorment leur somme épais et lourd,
quand l’ombre sur les ridicules
jette son manteau ténébreux,
ils vaguent, les bons noctambules,
et sous le ciel causent entre eux {…}
leurs poches vides sur leurs cuisses
ont beau prendre l’air par les trous,
ils vont, fumant comme des suisses,
gesticulant comme des fous.
ce sont des rêveurs, des poètes,
des peintres, des musiciens,
des gueux, un tas de jeunes têtes
sous des chapeaux très anciens.
au fond de vagues brasseries
ils ont bu tout le soir à l’oeil.
aussi leurs âmes sont fleuries
de vert espoir, de rouge orgueil. {…}
et tous ces inventeurs de pôles,
tous ces bâtisseurs de babel,
pensent porter sur leurs épaules
ainsi qu’atlas le poids d’un ciel.
hélas ! les rêveurs noctambules
à qui l’on jetterait deux sous !
en les voyant enfler leurs bulles
on les prend pour des hommes soûls. {…}
ils ont bu le désir qui trouble,
la foi pour qui tout est quitté,
l’orgueil âpre qui fait voir double,
l’idéal et la liberté
ils ont bu, bu à pleines lèvres,
bu à pleins yeux, bu à pleins coeurs
cet alcool qui guérit leur fièvre :
l’assurance d’être vainqueur.
ces bavards, qui semblent des drôles,
mâcheurs de mots, sculpteurs de bruits,
ces cabotins jouant leurs rôles
sur les quais déserts dans la nuit. {…}
ces gueux qui d’espoir vain se grisent,
ces fantoches, ces chiens errants,
seront peut-être ce qu’ils disent,
et c’est pour cela qu’ils sont grands. {…}
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